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Berlin, la frondeuse

Parce que Berlin n’a pas que la facette d’une ville aux plaisirs underground et de l’avant-gardisme. Parce qu’il suffit d’un weekend pour percevoir un aspect plus brut. 

Berlin, un symbole

S’il est une ville d’Europe qui se caractérise par son côté alternatif, c’est Berlin. Rythmée par les différences de styles, de genres et d’ambiances, la vie berlinoise est un cocon cosmopolite où se côtoient bobos, squatteurs, bureaucrates et touristes. Vivre ou traverser Berlin, c’est se laisser teinter par ce mélange éclectique qui, malgré tout, a envahi la métropole allemande. Peuplée de plus de 3 millions d’habitants, c’est une ville étendue et nourrie par le brassage ethnique et culturel.

Berceau du dernier conflit mondial, Berlin a vu l’émergence d’opinions politiques tranchées qui ont marqué le monde entier à jamais. Ville de partis pris, épicentre d’une des guerres les plus meurtrières de l’Histoire, on accorde à cette nouvelle capitale (élue en 1990), une nonchalance face aux opinions publiques.

Le Mur, galerie artistique

Soigneuse de faire table rase du passé tout en gardant ce qui est devenu son âme, Berlin s’offre le luxe d’osciller entre le kitsch de l’époque « rideau de fer » et le street art.  L’East Side Gallery, vestige de l’édification du rempart politique dressé en 1961, reste le témoignage de ce qui marquera à jamais la personnalité de cette capitale européenne mais aussi l’origine de ce besoin de revendiquer pacifiquement et qui caractérise la ville.

Long d’1,3 km, ce morceau du mur, unique survivant du rideau de fer, est une exposition à ciel ouvert. De nombreux artistes ont choisi de faire passer un message sur ces blocs de béton. Le plus, c’est la pérennité de ce mur comme support à la liberté d’expression. Si les fresques restent à jamais, les habitants, les visiteurs éphémères,  s’approprient également ce chemin pour  manifester leur présence à cet endroit.

Cette East Side Gallery est un symbole de Berlin. Mais cette propension à s’exprimer librement s’est répandue à travers toute la ville et en la sillonnant, vous finirez par ne plus trouver surprenant le détournement d’affiches et de slogans, l’ironie publicitaire ou les satires de la société et des cultes. La spontanéité de cet art de rue est un concept à part entière mais surtout une philosophie à Berlin.

Berlin, la marginale

De son Histoire tranchée, gravement injuste et totalitaire, Berlin a fait naître une énergie latente de révolte. Un besoin incessant de s’exprimer sur tous les sujets, sur tous les supports qu’elle possède. Les Berlinois autant que les touristes s’approprient cette manière de partager de façon spontanée mais jamais ou rarement ostentatoire et donnent naissance à une forme d’art. Moins alternative qu’urbaine, cette liberté d’expression que s’est accordée cette ville  semble toujours être possédée par l’esprit du Mur. Après plusieurs décennies, l’Allemagne ne s’est pas encore trouvée en dehors de cette partie de son Histoire. Réunifiée depuis peu de temps, quelle est l’Histoire qu’elle s’accorde ? quelle est celle qu’on apprend à sa jeunesse ?

Ce phénomène nous intrigue parce qu’il contraste fortement avec la placidité qui transpire par tous les pores de la capitale. Berlin est une ville classique qui témoigne à chaque coin de rue des heures sombres de son pays, il existe une atmosphère pesante, régit par ses souvenirs du passé, la trace du mur qui tranche le sol de la ville, le besoin presque incessant de rappeler que cette ville a fortement connu la guerre en vendant colifichets de guerre tels que des masques à gaz et des uniformes militaires allemands. Le mauvais goût a cependant ses limites, nous n’avons vu nulle part d’étoile jaune à broder sur nos manteaux…

Le franc parler qui s’est manifesté à nous tout au long de ce séjour en dit long sur cette page de l’Histoire qui n’est pas tournée. Berlin ne fait pas, ne veut peut-être pas faire le deuil de ce qu’elle a connu, comme accusant une culpabilité qui n’est pourtant pas sienne. La ville assume à outrance le fait d’avoir été le foyer du nazisme et comme pour se dédouaner dans le même temps, elle lâche ses messages et ses slogans qui nourrissent une réputation de sourde révolution.

Olwen R.

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