fête·humeur

Festivité 2 : Nouvel An (2016)

Les derniers jours de décembre. Oui… c’est souvent l’occasion de faire une rétrospective de l’année et pi pour les plus motivés, de se lancer un programme de résolutions qui devrait mourir avant la fin de la première quinzaine. Et au milieu de tout ça, le contrat social du Nouvel An.

La semaine dernière, je te racontais pourquoi je n’aimais pas entendre les sempiternels « ça me gonfle » de Noël. Ils s’appliquent généralement au Nouvel An également, hein… et je ne serais pas tout à fait honnête si je ne te disais pas que, looooongtemps, face à ce qui était, pour moi, incohérent, le Nouvel An me faisait dire quelque chose qui ressemble  à ça : Pffffff… ièch. (en levant les yeux au ciel bien sûr).

Depuis le début du mois, on est officiellement entrés dans la saison du « Et toi, tu fais quoi pour la nouvelle année ? ». Genre, tu penses à ça plus qu’à tes autres soirées, plus qu’à Noël, plus qu’à ton anniversaire, plus qu’à ta sortie ciné de cette semaine.

Nouvel An ou la raison sociale

                  Il me semble bien, qu’à peu près en même temps que la désacralisation (littéralement) de Noël, on a vu apparaître la sacralisation du Nouvel An. L’un ne remplace pas l’autre évidemment… et non pas qu’il ne soit pas une tradition de dire au revoir à chaque année qui se termine mais… le chantage social était encore loin avant l’émergence des opérations commerciales à grande échelle.

            Il a toujours été coutume de faire un peu plus ce soir-là parce que la tradition (à l’origine de l’origine) c’était de se dire que si on ne passait pas d’une année à l’autre en ripaillant allègrement, on n’aurait pas la baraka l’année qui vient. (ça date de Jules César quand même). On est donc bien les héritiers d’une tradition millénaire (pour le coup) mais qui tend à devenir soit une contrainte parce que ça fait un peu chier quand même tous ces efforts pour se mettre bien de façon programmée soit une boboïsation complètement snob de le boycotter par esprit de contestation.

            Je comprends les deux points de vue… C’est vrai qu’il est facile de se sentir un peu crétin de ne pas faire la fête quand tout le monde le fait en même temps. Et je comprends aussi que ce soit une réelle contrainte de se forcer quand on sait que la plupart du temps, les meilleurs souvenirs se font avec plus ou moins d’improvisation.

            Le fait de se demander réciproquement un mois à l’avance quels sont nos programmes révèle juste, pour moi, le malaise de notre société à vouloir se faire bien voir, à être à la soirée qu’il faut, habillé comme il faut, hype et à paillettes, plus ou moins bourré selon les objectifs de chacun. Mais du coup, avec zéro simplicité et ça,  ça nous fait tous chier. On ne devrait pas se laisser emporter mais finalement… Parfait, ça fait les choux-gras du consumérisme. Restos, boutiques de fringues, événementiel… tout ça profite joyeusement d’une soirée qu’il « faut » absolument fêter. Et si l’on en croit les commentaires dans les files d’attentes de robes, de petits cadeaux etc., pourquoi les gens s’obligent-ils à un exercice que, vraisemblablement, ils exècrent ? La réponse se résume à un triste : pression sociale. C’est vrai,  quoi… à grand renfort de marketing et d’Image,  notre société a réussi à nous faire croire que si tu ne faisais rien à Nouvel An, c’est que tu avais un problème (essentiellement de popularité, d’ailleurs). Alors que bon… concrètement,  le réveillon n’est juste pas un objectif pour toi. Et surtout pas la garantie de passer un bon moment. On ne te la fait pas, à toi.

Nouvel An ou mon contrat moral

           Alors oui, longtemps, ça m’a tellement gonflé de me forcer à sortir « sur mon 31 » pour regarder des gens bourrés vomir à peine minuit passé et pour finalement m’être ennuyée.

            Mais… j’ai eu l’occasion d’être « grande » et de vivre (un peu). Une année après l’autre… des bonnes, des beaucoup moins bonnes. Voire beaucoup beaucoup beaucoup moins bonnes. Mais des bien meilleures aussi. Vraiment meilleures. Et ça m’a paru plus sensé de vivre ces périodes comme des cycles. De me dire que ces moments de bon ou de moins bon sont à saluer ou à clore. J’ai perçu l’intérêt d’enterrer une année dégueulasse en partageant ce rituel ou encore de saluer une année généreuse dans ce même principe. Sans pour autant attendre monts et merveilles pour l’année qui s’annonce, hein. Je le fais sans superstition… les aléas de la vie, bons ou mauvais, n’attendent pas le 1er janvier pour se renouveler. Et pas le 31 décembre pour se faire oublier.

            Contrat moral, je ne l’entends pas comme LA morale mais comme LE moral. Celui que j’essaye d’entretenir du bon côté de la barrière parce que c’est lui qui détermine mon quotidien. Alors le 31 au soir, c’est surtout l’occasion de réunir des gens contents d’être là où ils sont (tiens, ça rappellerait pas un peu Noël ?). Parce que les bonnes comme les mauvaises périodes sont importantes à rythmer. Ca permet de les voir passer, d’en imaginer la fin ou à l’inverse de se projeter plus loin.

            Faire la fête absolument n’a aucun intérêt, à mon sens et je ne dis pas qu’il faut fêter le réveillon. Si ton truc c’est de payer 150 balles pour la soirée trendy sous la Tour Eiffel avec des inconnus, fais-le. Si ton truc c’est plutôt de le fêter en tête-à-tête amoureux, fais-le. Si par contre, c’est plutôt de ne pas le fêter en étant en pantoufles devant ta télé, fais-le. L’idée c’est de ne pas juger ceux qui ne le perçoivent pas comme toi. Ni ceux qui vont danser, ni ceux qui vont se coucher. Et surtout d’en faire ce que tu as envie,  de ne pas te forcer. La pression sociale et l’Image de soi,  on s’en fout,  je crois. Moi,  j’ai choisi l’option fête entre amis proches. Pas défoncés, pas bourrés, pas ennuyée. 

Rythmer l’année n’a pas la même importance pour tous. Ça n’a pas la même nécessité non plus.  Certains ont envie de ce sas de décompression quand d’autres n’en voient que le côté téléguidé (parce que si, si :  ça l’est).  Le réveillon de la nouvelle année, c’est aussi comprendre que ce rituel du 31 décembre est devenu un jeu marketé et qu’il n’est simple ni de s’en extirper, ni de l’embrasser. Alors du coup,  c’est facile de profiter d’un moment où tout le monde est plus ou moins conditionné pour faire la fête et y trouver un intérêt. On n’y voit pas tous les mêmes raisons de se retrouver mais je crois que c’est de moins en moins pour saluer une nouvelle année. Probablement plus pour s’amuser. Juste s’amuser,  se retrouver.

            En France, on est sortis de 2015 un peu choqués. Faut quand même bien l’avouer. Et on espérait que 2016 serait propice aux espoirs et à la bonne volonté : que d’chi. Les attentats dans le monde se sont multipliés (et si tu veux voir concrètement ce que ça donne, ouvre Wikipédia), on a vu passer une véritable hécatombe (David Bowie, Alan Rickman, Umberto Eco, Benoîte Groult, Prince, Mohamed Ali, Georges Michael, Carrie Fisher, Debbie Reynolds et tant d’autres), Trump élu président d’une des plus grandes puissances mondiales, etc. À l’heure où j’écris, nous ne sommes que le 29… les forces telluriques ont peut-être encore quelque chose dans leur hotte : je me méfie.

            Suite à l’attentat de Berlin, Gérard Jugnot twittait « Avant on se disait bonne année,  maintenant on se dira bonne chance. » C’est pas loin de la vérité. C’est peut-être aussi justement parce qu’on a tous conscience de vivre dans un monde incertain et plutôt corrompu que c’est intéressant de rythmer les choses. Se rappeler que certaines ne changent pas quand d’autres évoluent trop vite. Que la tournure du monde ne fait pas envie mais aussi qu’on prend bien note qu’on la voit passer,  la vie. Le réveillon,  c’est l’occasion de la rétrospective. Le bilan. De ton année comme de notre année. Mettre en balance ton recul perso contre celui de la terre. Passer d’un bilan égocentré à un autre plus groupé : de tes amis,  de ta famille,  de ton pays… Pas besoin de faire la fête pour ça, tu me diras. Non… c’est tout à fait vrai. La fête n’est là que pour marquer le coup (en dehors de la tradition superstitieuse), comme si on avait besoin d’une claque chaque fin d’année,  un petit coup de fouet pour nous faire sursauter. A moins qu’au contraire,  la fête ne serve qu’à anesthésier. A toi de voir.

Quoi qu’il en soit, ça ne devrait pas empêcher de te dire que 2016 a peut-être vu naître les espoirs de demain. Nos futurs prix Nobel de la paix ou… qui sait, le prochain Gandhi ? Que l’histoire continue de tourner et pas toujours pour le pire.

Olwen R.

« Il faut juste se dire que c’est une soirée comme les autres, sauf que tout le monde a choisi la même date. »

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